Bien rentré.e ? Bien reposé.e ? Et bien dormez.
Déjà 3 heures du matin et vous n’arrivez toujours pas à dormir. Vous le savez, la journée de rentrée sera dure. Et ça ne loupe pas : le lendemain vous n’avez pas les yeux en face des trous et vous êtes sur les nerfs.
L’article “Overanxious and underslept ” de Simon Rossi, Harvey et Walker (2019) nous explique comment une réduction bénigne de notre temps de sommeil peut toutefois déclencher une anxiété accrue le lendemain.
Dormir bien plutôt que dormir beaucoup
On connait tous un ami qui a des nuits très courtes. C’est peut-être même vous « l’ami qui ne dort pas ». Outre les effets négatifs pour la santé comme l’irritabilité ou la somnolence, le manque de sommeil peut augmenter l’anxiété. C’est le cas y compris chez des personnes ayant habituellement une bonne hygiène de sommeil. L’important n’est pas seulement de dormir beaucoup, mais aussi de dormir « bien ». Le sommeil de mauvaise qualité est lié positivement à une plus grande anxiété (c’est-à-dire que plus vous dormez mal et plus vous êtes anxieux). On comprend mieux pourquoi les troubles du sommeil sont à la fois des symptômes et des causes de l’anxiété.
Simon et son équipe se sont intéressés à ce qu’il se passe dans notre cerveau lorsque nous manquons de sommeil et comment cela peut nous rendre anxieux. Notre sommeil est découpé en différents phases, parmi lesquelles on trouve le « Non-rapid eye movement sleep » (abrégé NREM). Nos yeux ne bougent pas pendant le NREM (contrairement à d’autres périodes pendant lesquelles ils dansent la samba). La réduction de ce temps de sommeil NREM coïncide avec une tendance à se réveiller fatigué. Cela est tout simplement dû au rôle du NREM. Cette période de sommeil permet la régulation de certaines zones de notre cerveau, dont celles qui concernent l’anxiété et les troubles du sommeil. Dès lors, il n’est pas surprenant que 70 à 80% des personnes anxieuses aient des problèmes de sommeil.
Pour Simon et ses collaborateurs, une nuit avec une durée raisonnable de sommeil NREM empêcherait l’escalade de l’anxiété qu’on observe si quelqu’un ne dors pas.
La preuve par l’expérience :
Simon et son équipe ont mené différentes recherches sur le sujet. Dans une première étude, ils ont demandé à des adultes avec une bonne hygiène de sommeil de venir en laboratoire. Le groupe ne comportait aucun insomniaque notoire. Le sommeil de ces participants a été étudié pendant 3 jours. La procédure était assez simple : on mesurait leur anxiété à l’aide d’un questionnaire qu’ils remplissaient avant d’aller dormir, puis le lendemain matin. Pendant une nuit ces personnes dormaient et pendant l’autre elles restaient éveillées (et s’occupaient avec des jeux de société, des livres, des séries, etc.). Les activités dans leur cerveau étaient enregistrées à l’aide d’électrodes. Les participants qui avaient eu plus de sommeil (et donc de NREM) étaient moins anxieux le lendemain que ceux n’ayant pas dormi. Les participants avaient pourtant le même niveau d’anxiété la veille.
Le manque de sommeil est donc bien associé à l’anxiété ressentie le lendemain. Le sommeil NREM a quant à lui un effet apaisant.
Le risque à long terme est d’entrer dans un cercle vicieux où on ne dort pas car on est anxieux, ce qui amplifie l’anxiété et ainsi de suite …(Super !). Dans deux autres études, les chercheurs se sont intéressés aux effets du manque de sommeil sur l’anxiété à plus long terme. Ils ont interrogé en ligne des personnes qui devaient quantifier leur temps de sommeil pendant deux nuits consécutives (quatre nuits consécutives pour l’autre étude). Leur niveau d’anxiété était là aussi mesuré via un questionnaire proposé avant de dormir et le lendemain matin.
Une fois de plus, une réduction du sommeil provoquait d’une nuit à l’autre une anxiété accrue le lendemain. Les analyses ont montré que le niveau d’anxiété mesuré le lendemain n’était pas dû à l’anxiété de la veille mais bien au manque de sommeil.
Un nouveau facteur de bien être central
Cet article montre que des altérations subtiles de la qualité du sommeil d’une personne sont suffisantes pour entraîner une augmentation relative de son anxiété le lendemain. L’anxiété peut être causée aussi bien par un manque total de sommeil (faire une « nuit blanche ») que par une détérioration minime de la qualité du sommeil sur plusieurs jours. Plus alarmant encore, 50% des participants ressentaient un niveau d’anxiété supérieur au seuil indiqué pour les troubles de l’anxiété. L’anxiété est un des troubles mentaux les plus répandus et, dans nos sociétés où nous dormons de moins en moins, elle va surement devenir un problème capital. Dans la mesure où les entreprises accordent de plus en plus d’importance au bien être de leur collaborateurs, l’attention portée au sommeil semble être primordiale. Un sommeil de mauvaise qualité peut même rendre « parano » dans un sens, puisqu’il nous mène à rester sur le qui-vive et à voir des menaces partout.
Le sommeil doit être davantage vu comme un potentiel élément thérapeutique.
Il est important de noter que ces conséquences sur l’anxiété peuvent être observées même chez des personnes ayant habituellement une bonne hygiène de sommeil. Néanmoins, ces effets sont dissipés lorsque ces personnes ont une durée raisonnable de sommeil NREM, le sommeil qui apaise. Il n’y a donc plus qu’à espérer que vous aurez assez de sommeil NREM pour être d’attaque demain !
Tendre l’oreille à défaut de tendre l’oreiller
Être attentif au sommeil de chacun peut passer par des phrases très simples. Vous connaissez le fameux « Ça va ? Bien dormi ? ». Mais prenez-vous réellement attention à la réponse que donnent vos collègues ? Tendre une oreille bienveillante à un collègue qui dit avoir mal dormi peut être une première étape simple mais efficace pour limiter l’anxiété de vos collègues. Si un de vos collègues à mal dormi, vous pouvez éviter toute phrases sujette à interprétation qui pourraient être source d’anxiété. En clair, on oublie les termes ambiguës et on s’exprime clairement. Pour vos collègues qui enchaînent les nuits sans sommeils un contact physique rassurant peut aussi exprimer votre soutien de manière discrète mais chaleureuse. Une discussion plus approfondie sur les potentielles raisons et la charge de travail peut être envisagée du moment qu’elle est claire et transparente.
Préférez être clair.e et concis.e, car après tout votre collègue à surement encore la tête dans son oreiller !
Bonne rentrée !
L'article complet de Simon Rossi, Harvey et Walker est consultable sur le site de Nature Human Behaviour.
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